Avant dernier épisode du Roadtrip avec mon ‘Club des 5’ cet été sur la Route du Blues. Entre Chicago et New Orleans. Le dernier épisode sera constitué d’un maximum de photos.
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Salut,
Le poids culturel pèse sur les hommes dans l’expression de leurs émotions. Je suis à l’hôtel, quelque part dans New Orleans. Seul. Dernier soir du voyage avant le grand trip du retour pour ramener la voiture à Chicago demain soir. Ce sera 1600 kilomètres non stop à 55 miles à l’heure…ça va être long. Mais ne remettons pas à deux mains, ce qu’on peut faire d’une seule main !
Il suffirait que je remette mes chaussures et en 5 minutes je me retrouverais dans le French Quarter, là où il y a la fête jour et nuit. Cette après-midi, on a bourlingué dans ce quartier, la musique était déjà partout. Je me suis arrêté dans un club où un band jouait du country rock. Pourtant le son n’était pas très bon, le jeu de chacun des musiciens pas exceptionnel non plus, la rythmique était quant à elle accrocheuse. Du coup, de la rue, entendant l’ambiance j’ai eu envie d’entrer à l’intérieur. J’ai constaté alors que le chanteur était mauvais, certes il jouait bien de l’accordéon. Je suis tout de même resté un bon moment à les écouter et à participer à l’ambiance. Pourquoi ? A ce moment-là, sans le savoir encore, peut-être étais-je déjà seul au fond.
Le Blues !
Dans ce groupe, il y avait deux femmes, elles attiraient l’oeil non pas par leur physique, mais par leur joie de vivre. Elles jouaient du washboard. A l’origine, cet objet était une planche à laver le linge, puis son usage a changé et c’est devenu un instrument rythmique que l’on ‘gratte’. Il y a deux ans, au même endroit, il y avait un autre groupe du même genre. A l’époque, dans le band il y avait une fille d’une beauté à vous faire sortir les yeux des orbites, à vous faire tirer une langue de 30 mètres à la façon des personnages de Tex Avery. En fait, elle n’était pas jolie, elle était bien mieux que ça, elle illuminait le lieu. Elle jouait du washboard également. Tous les musiciens autour d’elle avaient la bonne cinquantaine, tous blancs. Elle était noire, moins de 30 ans. Que faisait-elle là ? Non pas qu’elle n’avait pas sa place dans ce groupe, mais ce sont plutôt les autres qui étaient de trop. Elle avait bien trop de talent pour se gâcher avec des musiciens en carton.
La musique est partout dans cette ville usée et ouverte « comme une vieille pute. » (Arno) Dans la journée, mon Club des Cinq (que vous connaitrez dans le prochain et dernier épisode) a trainé un peu partout dans le centre. A pied ! On voit bien mieux à pied. Du côté du Parc Louis Armstrong, dans le French Quarter, dans des petites rues que les touristes ne fréquentent pas. Soudain, j’entends de la musique, genre big band, derrière un bosquet.
Oh when the saints go marching in
When the saints go marching in.
Des musiciens, tous jeunes, un big band, comme dans les films. Une certaine magie s’en est dégagée, nous sommes restés plus d’une heure à regarder et écouter. Sans parler. Certainement que chacun d’entre nous pensait déjà aux adieux. Un Road Trip depuis Chicago au cours duquel, on a eu plein de galères, mais des souvenirs pour toute une vie aussi. Thierry a repris un Jack pour se remonter le moral, Benoit s’est arrêté dans une échoppe spécialisée dans le café. Il a pris un petit noir corsé. Il y avait seulement trois gouttes au fond de la tasse mais ça aurait fait bander un eunuque tellement c’était fort. Je n’ai d’ailleurs réussi à n’en boire qu’une, de goutte. Trop fort pour moi, mais rien à foutre, je ne suis pas eunuque !
Et moi, je chantais Oh when the saints go marching in…
Comme il faisait 38°C, on s’est encore arrêté dans un bar, juste en face du Parc Armstrong, un peu à l’écart du tumulte du centre ville. On a vécu un moment surréaliste pour des Européens. On s’est installé au bar, commandé à boire, discuté avec la serveuse puis… au bout de cinq bonnes minutes, un mec, son patron (?) lui a dit un truc à l’oreille. Elle s’est adressé à nous pour nous demander de prendre nos verres et d’aller les finir dans une arrière salle sur une table bancale. Dans le bar, il y avait trois machines à sous. Et ça c’est mal. Deux d’entre nous sont mineurs et il est impossible d’avoir des mineurs dans une pièce qui contient des machines à sous. Oh my God ! Par contre, il peut y avoir des travlos très provocants dans les rues, des mecs avec des flingues ou des prostitués à moitié nues sur les balcons, ça, ça n’est pas un problème pour les mineurs. Oh my gode !
Tout le paradoxe de ce pays, à l’apparence si semblable aux nôtres, mais pourtant tellement différent dans son fonctionnement.
Ce soir, seul, je vous écris depuis une chambre d’hôtel. Sur un roadbook, près de moi, il est mentionné Route du … Blues ! Je comprends. Il est temps alors d’écrire le dernier mot, en anglais cela va de soit : The End !
Eric Laforge
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